Résidence artistique L'air du temps

À l'automne 2018, j'étais en résidence artistique de deux semaines à Caraquet. Cette résidence d'artiste était organisée par le Centre d’artistes Constellation bleue, gestionnaire de la Galerie Bernard-Jean de Caraquet, et en collaboration avec le Ministère du Tourisme du Patrimoine et Culture du Nouveau-Brunswick. L’objectif de la résidence appelée L’air du temps portait sur l’idée de la rencontre : la rencontre et la découverte d’une communauté par un artiste.

Aussi voici le compte-rendu de ma démarche que j'ai présenté publiquement au Centre culturel de Caraquet le 18 novembre 2018, d'abord en photos, puis plus bas, en mots, à partir de notes prises rapidement aussitôt que je n'étais plus en présence de mon ou mes interlocuteurs dans un petit calepin traîné dans mon sac à main, et que je mettais au propre le soir, de retour dans mes quartiers, en essayant de les développer de façon plus explicite et de les compléter de mes impressions. 

 DÉMARCHE OU APPROCHE (Quoi-Comment-Où-Pourquoi)

Comment | Ma démarche était essentiellement improvisée, portée par les discussions. Elle débutait toujours par un café le matin au Grain de folie ou à la Vieille brûlerie. Dès mon arrivée, je balayais l'endroit du regard et, une fois le café commandé, je choisissais de m'asseoir seule ou de me joindre à quelqu'un ou à un groupe. Lorsque je m'asseyais seule, j'attendais, disponible et accessible, que l'occasion se présente ou soit propice à la conversation.

Qui | Une personne seule ou trois pers. et plus
J'évaluais qu'une personne seule serait plus disponible pour une conversation et que des personnes en groupe (trois ou plus) allaient être plus enclines à accueillir une personne de plus au sein de leur groupe, moins intimidées en raison de leur nombre par l'étrangère que je représentais, et que la discussion qui avait plus de chances d'être à propos de tout et de rien se prêterait mieux à l'inclusion d'une inconnue.

Je n'allais pas vers la personne avec son laptop ou avec un livre parce qu'elle était occupée ou vers deux personnes qui pouvaient être dans une conversation plus personnelle, d'affaire ou dans des retrouvailles, avec des sujets à rattraper. Cela dit, je suis quand même allée m'asseoir avec deux femmes une fois, c'était au brunch communautaire lors du Festival de la tradition de Bertrand, parce qu'elles ne se parlaient pas. Il s'agissait de deux belles-soeurs qui étaient tranquillement assises côte à côte.

L'identité | Je n'ai pas toujours su le nom des personnes rencontrées, parfois parce que j'oubliais de le demander, l'échange trop furtif, ou, rarement, parce qu'on refusait poliment de me le dire ou qu'on me donnait seulement le prénom. Dans ce cas, je n'insistais pas, considérant que la personne avait déjà la générosité de m'accorder de son temps. Il en allait de même pour les photos.

Si la majorité des gens rencontrés étaient acadiens, d'autres étaient originaires du Québec et avaient choisi de s'installer dans la région souvent pour la mer. Des gens venus de pays étrangers également ont été attirés par la péninsule, c'est le cas d'une famille de Français qui tient un café et d'un ami vietnamien et sa famille. Et fait assez rare au Nouveau-Brunswick, toutes les personnes rencontrées étaient francophones, peu importe leurs origines.

Quoi | Même si j'avais bien quelques questions ou sujets en tête, je ne décidais jamais à l'avance d'un sujet de discussion. L'exploration était donc au centre de ma démarche et mon approche se voulait intuitive et le plus naturelle possible. Je me mettais ainsi au même niveau que mon interlocuteur parce que nous étions tous les deux dans l'imprévisible en ce qui a trait aux questions comme aux réponses. Cet état d'imprévisibilité réciproque favorisait le rapprochement je pense.

Aussi, j'ai réalisé qu'il était difficile de prévoir un sujet, d'avoir des questions trop préparées, cela suscitait plus de méfiance et, cela pouvait briser le fil de la communication (ex.: Qu'est-ce qui manque à Caraquet?). Lorsque les gens étaient à l'aise, ils me parlaient d'eux ou de sujets faisant partie de leur quotidien (ex. un monsieur seul qui promène son chien et me raconte qu'il l'a adopté de la SPCA; une femme qui me raconte avoir été très malade et est de retour à Caraquet pour la famille, parce que c'est un point d'attache, comme pour le mineur revenu de l'Ouest). Il s'agissait alors pour moi de tenter de déceler les valeurs derrière ces histoires, comme le lien d'appartenance. Aussi lorsque la conversation n'allait pas autant dans le sens que je le souhaitais, qu'elle portait plus sur ma présence à Caraquet par exemple en tant qu'artiste, étrangère, voire touriste, cela m'en apprenait quand même mais de façon indirecte sur le mode de vie à Caraquet ou sur les valeurs de mon interlocuteur.

Où | Les cafés étaient les endroits les plus propices à la rencontre. À Caraquet, il y  avait alors La vieille brûlerie (elle a fermé par la suite), le Café Grain de folie et le Tim Horton. La marina, le port, le marché et la piste cyclable étaient d'autres lieux où il était assez facile de croiser des gens. Par contre les endroits fermés permettaient d'avoir de meilleurs échanges que dans un lieu ouvert. Il est arrivé aussi, lors de rencontre, qu'on m'invite à la maison, pour prendre un café ou un thé, qu'on me fasse visiter un jardin ou un atelier, ce que j'acceptais volontier. 

Plus généralement, en plus de Caraquet, je me suis promenée dans le Haut-Caraquet et le Bas-Caraquet, à Bertrand, à Petit Paquetville, à Saint-Simon et, pour terminer, je me suis rendue jusqu'à Shippagan et à l'île Miscou.

Voir aussi l'article paru dans l'Acadie Nouvelle L'artiste visuelle Sylvie Pilotte en résidence de création à Caraquet